Aires protégées
Vu que la position du Maroc dans le domaine de la biodiversité, le plaçait au deuxième rang des pays méditerranéens, et lui conférait donc une forte responsabilité par rapport aux objectifs de la conférence de Rio et de l’Agenda 21 en particulier, l’implication actuelle des ressources phytogénétiques et zoogénétiques au sein des flux économiques devient de plus en plus importante, et le développement de nombreuses branches d’activités s’y trouve conditionné
A cet effet, pour la préservation de son environnement naturel, le Maroc s’est engagé depuis longtemps dans la mise en place et la gestion durable des aires protégées. Dans cette optique, il y a eu l’adoption d’instruments juridiques adéquats et la mise en place de plusieurs stratégies et politiques de protection de ces espaces. Riches de par leur diversité naturelle, biologique et culturelle, les aires protégées présentent en fait de réelles opportunités de développement pour les populations locales, tant en terme de l’offre touristique qu’en ce qui concerne les activités génératrices de revenu qui peuvent être menées dans ces espaces.

Rôle Ecologique des Aires protégées
– Réservoir génétique
L’importance des ressources génétiques est de plus en plus reconnue aujourd’hui, et en assurant la préservation du capital nature, la protection des centres d’endémisme, la pérennisation des sites à richesse spécifique élevée, l’aire protégée contribue largement d’une part à la constitution de banques de matériel génétique, et d’autre part à la sauvegarde des derniers réservoirs génétiques, dynamiseurs des flux géniques indispensables à l’épanouissement des formes de vie sur terre.
Pour le Maroc, la montagne et les zones humides littorales constituent les deux pôles principaux en matière de ressources génétiques –
– Dynamiseur des grands cycles
Tout écosystème participe à l’élaboration des grands cycles vitaux, d’ordre biogéochimique et physico- chimique – En conservant les dynamiques évolutives tout comme un niveau élevé d’échanges trophiques et biocoenotiques au sein des unités écologiques constitutives d’une aire protégée, celle-ci assure un service considérable à la communauté tout simplement en maintenant la qualité du « vivant » –
La protection des grands bassins, des systèmes hydrologiques et sédimentaires, des systèmes côtiers et sylvatiques, des sols et du sous-sol, représente autant de maillons indispensables d’une chaîne de vie qui assume outre la productivité biologique indispensable au maintien des grands équilibres écologiques planétaires, la dynamisation des processus les plus vitaux pour le développement même de la communauté humaine (comme par exemple celui de l’eau) –
– Protecteur des potentialités
Un sol, une forêt ou une zone humide sont tout d’abord du point de vue de l’écologie un formidable potentiel de vie encore inexprimé – La fertilité d’un écosystème, son pouvoir d’adaptation et de régénération, ses facultés de mutations dépendent directement de ce potentiel. En protéger l’expression actuelle c’est d’une certaine manière assurer l’avenir, et se positionner favorablement face aux défis écologiques de demain que peuvent représenter les modifications parfois radicales des milieux et des environnements prévisibles au niveau local (désertification) comme à une échelle plus globale (réchauffement) –
Rôle Economique des Aires protégées
– Conservateur des ressources alimentaires
La domestication des ressources alimentaires, fait parfois oublier que les phylums originaux qui seuls sont capables d’assurer le maintien de la qualité des produits, se trouvent tous dans la nature.
– Conservateur des potentiels productifs
Les différents systèmes d’exploitation des ressources naturelles, qui assurent au Maroc une grande partie de l’économie nationale, et dominent largement le développement du monde rural, sont tous étroitement dépendants de la productivité de la ressource – Cette productivité est conditionnée par différents facteurs dont le plus décisif reste l’approvisionnement régulier en eau et en fertilisant – Ces cycles indispensables au développement du pays, se forgent et se dynamisent au sein des écosystèmes amonts, le plus souvent forestiers, où de la qualité des échanges et des biotopes, va dépendre la productivité locale comme celle située bien plus loin en aval.
– Conservateur des sites d’exploitation
L’érosion des sols n’est pas un vain mot pour les ingénieurs marocains, qui luttent contre l’envasement des systèmes hydroélectriques – Cela coûte très cher à la collectivité (+ de 130 milliards de Dh par an !) et risque de coûter toujours plus cher – La fixation des sols, la lutte contre l’érosion passe par plusieurs méthodes, mais la meilleure des stratégies reste la prévention, et une gestion patrimoniale des bassins versants en est la clé.
Les parcours sont pour la population rurale (et même citadine) marocaine, un bien inestimable si l’on évalue l’ensemble des activités et des besoins qui gravitent autour du mouton et de la chèvre – La surexploitation actuelle de cette ressource essentielle ne peut que conduire à une crise économique et sociale à brève échéance – Il est donc tout à fait opportun de sauvegarder ces superficies productives par une politique de gestion spatiale et temporelle où l’aire protégée peut jouer un grand rôle catalyseur –
– Créateur de dynamique locale
La mise en place d’une aire protégée s’accompagne de la mobilisation d’un certain nombre de moyens humains, matériels et financiers, qui rapidement créent une dynamique économique locale dont le bénéfice rejaillit sur l’ensemble régional – Surtout pour les grandes unités comme les Parcs, la recherche de cette dynamique en constitue un des objectifs à atteindre.
Rôle Social des Aires protégées
– Maintien de l’Elément « Nature »
Jusqu’à ce jour, le constituant fondamental du domaine vital de toute société humaine reste l’élément « Nature » – il s’agit là d’une « source », d’une « origine » dont la perte serait un facteur de déséquilibre aux conséquences incalculables pour le devenir de l’humanité – A la simple échelle nationale ou même régionale, le maintien d’une superficie « nature » suffisamment vaste, contribue massivement à l’harmonisation des rapports et au bon développement social d’une collectivité.
– Maintien des sites « d’Usages »
La ressource naturelle est diversement exploitée suivant les pays et les régions. En ce qui concerne le Maroc, elle atteint un seuil d’utilisation parmi les plus élevés, avec une très forte tradition « d’usages » toujours très vivante – L’aire protégée doit donc pouvoir contribuer au maintien de cette tradition, tout en cherchant à l’encadrer rationnellement afin d’éviter que par un usage excessif, ne disparaisse justement la ressource. Les modes de gestion proposés pour les SIBE du Maroc s’appuient justement sur cette constante du contexte local, qui d’une certaine manière représente peut-être la meilleure disposition possible pour sensibiliser et mobiliser les populations usagers sur les objectifs de protection et de pérennisation.
– Maintien des sites Récréateurs
Avec l’accroissement de la vie citadine au Maroc, on constate de plus en plus de transferts dominicaux vers les milieux naturels alors perçus comme site récréateur, et lieux de villégiature, devenus indispensables à l’épanouissement du citadin – L’aire protégée trouve là une de ses fonctions sociales les plus classiques –
– Maintien des sites Educatifs
La Nature a toujours représenté un formidable laboratoire du vivant, dont l’observation constitue un acte pédagogique très formateur et largement complémentaire des activités scolaires – La science et la recherche consacrées aux disciplines naturalistes de l’écologie, sont très consommatrices d’espace naturel, dont la non altération peut servir de référentiel d’étude – Il faut de même citer, les travaux consacrés aux relations traditionnelles homme-nature, dont les parcs et réserves sont souvent les derniers témoins.
Quelle stratégie nationale ?
Les Objectifs
Dans le domaine de l’Environnement, de la Gestion des Ressources, de l’Ecologie, de nombreux objectifs existent qui vont concerner un vaste champs thématique – A cet effet, le pays est en train de se doter d’une Stratégie Nationale pour la Protection de l’Environnement et le Développement Durable (Ministère de l’Environnement) et d’un Plan d’Action National – Le présent dossier, est a considérer comme une contribution à ces documents de références, pour lesquels il préfigure un apport original consacré aux thèmes particuliers à la protection-gestion des milieux naturels et de leurs ressources .
les objectifs globaux :
Les aspects relevants de la protection et de la gestion patrimoniale des milieux naturels, peuvent être liés à plusieurs objectifs d’ordre général, concernant le Maroc et même la planète si l’on se réfère aux systèmes écologiques globaux et aux dernières décisions internationales – Parmi ceux-ci, nous en citerons essentiellement quatre, qui nous apparaissent comme majeurs pour l’avenir de ce pays.
Assumer la responsabilité internationale en matière du maintien de la biodiversité globale
Nous avons vu que la position du Maroc dans le domaine de la biodiversité, le plaçait au deuxième rang des pays méditerranéens, et lui conférait donc une forte responsabilité par rapport aux objectifs de la conférence de Rio et de l’Agenda 21 en particulier – l’implication actuelle des ressources phytogénétiques et zoogénétiques au sein des flux économiques devient de plus en plus importante, et le développement de nombreuses branches d’activités s’y trouve conditionné –
Garantir le bon fonctionnement du cycle écologique général de l’eau pour l’ensemble du pays
Le climat du Maroc n’est pas perçu comme un climat aride – C’est là l’inconvénient de s’en tenir aux moyennes – car si le géographe ou le décideur s’intéresse le plus souvent à la moyenne, l’écologiste va lui plutôt se préoccuper des extrêmes – Ce sont en effet les extrêmes qui le plus souvent limitent le développement du vivant – Et dans ce domaine, le Maroc se caractérise bien plus par ses années de sécheresses que par ses années pluvieuses …
En conséquence, l’eau est naturellement une denrée rare au Maroc, et des performances de son cycle dépend très largement l’écologie générale du pays et par voie de conséquence son développement social et économique (87% des ressources en eau mobilisées servent à l’agriculture) – Une bonne circulation de l’eau résulte de très nombreux facteurs, dont certains sont d’ordre globaux et sur lesquels il est impossible d’agir à l’echelle d’un pays – C’est une raison supplémentaire pour s’appliquer à rendre le plus optimal possible les systèmes locaux de collecte et de stockage naturels, à ce titre l’Ecosystème forestier devient LE POURVOYEUR et LE DISPENSATEUR irremplaçable !
Assurer la pérennisation des grandes ressources forestières du pays
Sans sa montagne qui protège les plaines septentrionnales des chaleurs sahariennes et capte l’eau du ciel pour le bienfait des grands fleuves, le Maroc serait sans nul doute un grand pays désertique. – Mais il faut bien comprendre, que sans ses forêts qui protègent la montagne, les sols et l’eau nourricière, le Maroc deviendrait vite un vrai désert pour l’homme, l’animal et la plante –
La forêt marocaine est par essence l’élément fondateur de la richesse écologique du pays. A son développement se voit conditionner l’ensemble de l’économie naturelle, depuis les puissantes cédraies, châteaux d’eau du Moyen Atlas, jusqu’aux acaciéraies sahariennes, unique source de vie et de fertilité dans un immense océan caillouteux et torride.
La forêt marocaine est aussi un composant social majeur autour duquel se distribue toute une partie de la vie rurale. Le bois et les parcours forestiers restent au Maroc des usages largement déterminants de l’évolution des collectivités, et l’accès à cette précieuse ressource conditionne le devenir de toute une population –
Il faut souligner la croissance inquiétante des dynamiques érosives liées intimement à la dégradation du couvert sylvatique, et qui coûtent très cher à la collectivité nationale avec l’envasement du réseau hydroélectrique (+ de 50 millions de m3 par an, – 820 millions de m3 d’eau perdu et un coût de 360 millions de Dh de perte annuelle !)
Maintenir la productivité des principaux Ecosystèmes
Le Maroc est un pays agricole, qui se développe rapidement et qui bénéficie d’abondantes ressources naturelles – Les évolutions annuelles du PIB marocain sont largement conditionnées à la productivité des sols et des ressources végétales – S’il est raisonnable d’estimer que conformément au schéma de développement du pays, l’industrie et les services vont de plus en plus contribuer à la croissance du PIB, on constate cependant que l’augmentation du revenu réel par habitant, comme l’aggravation du déficit budgétaire sont dépendants pour de longues années encore des flux de productivité des ressources agricoles au sens large –
Avec un taux d’urbanisation qui aura doublé en quarante ans, et dont la croissance s’accélère, une surexploitation chronique des terres productives, une diminution des surfaces arables par perte des sols (- 22.000 ha/an), progressivement de plus en plus de milieux productifs disparaissent ou sont profondément altérés.
Qu’il s’agisse des écosystèmes côtiers, lagunaires, des écosystèmes humides de l’intérieur des terres, des écosystèmes steppiques ou sylvatiques, de leur productivité naîtra l’abondance et la disponibilité de la ressource – ressources dont les populations marocaines qui en sont traditionnellement très consommatrices, ont grand besoin –
Les objectifs sectoriels:
A partir des résultats acquis par l’Etude, un réseau de Parcs et Réserves devrait pouvoir être mis en place sur le territoire du Royaume du Maroc. Cette mise en place constitue une des réponses utiles qui puisse satisfaire les objectifs globaux évoqués ci-dessus – Cependant, une telle programmation ne peut bien entendu se suffir de simples décrets statutaires promulgués au sujet des sites identifiés par l’Etude – Elle doit pouvoir répondre à un certain nombre d’objectifs particuliers :
- Assurer une protection rapide des Ecosystèmes les plus dégradés pour le Maroc, tels qu’identifiés par l’Etude (12 types)
- Mettre en place un suivi et une gestion conservatrice des Ecosystèmes les plus importants pour le Maroc, tels qu’identifiés par l’Etude (28 types)
- Chercher à ralentir et stabiliser les processus de dégradation au sein des sites forestiers montagnards comme des zones humides littorales
- Organiser au niveau national la sauvegarde du patrimoine phytogénétique
- Lutter efficacement contre la disparition des richesses faunistiques, en particulier pour les grands mammifères et les rapaces,
- Mettre en oeuvre sur les sites appropriés une véritable gestion patrimoniale des ressources naturelles tel que définit par les plans de gestion des parcs nationaux et naturels de l’Etude
- Garantir une formation solide en écologie et gestion des aires protégées, des agents techniques et ingénieurs relevant de cette attribution
- Mobiliser les agents techniques responsables des administrations concernées par l’Environnement, les élus locaux et les autorités sur la nécessité de gérer rationnellement le patrimoine naturel marocain
- Appuyerl’effortéducatifnationalparunesensibilisationauxproblèmesdelaconservationdelanature
- Soutenir les initiatives privées et associatives liées à la protection de la nature